Euphrasyne avait inlassablement continué de marcher jusqu’à arriver dans une autre zone, une zone boisée qui faisait place à la prairie qu’elle venait juste de quitter. Elle, qui était profondément attachée à la nature, était assez satisfaite de son environnement. Ne s’interrogeant pas sur le bien fondé de s’aventurer, seule, dans une forêt qu’elle ne connaissait pas, elle s’enfonça inlassablement à travers les arbres. En vérité, elle se sentait libérée de toute contrainte et ça lui faisait vraiment du bien. De temps à autre, elle se baissait et regardait derrière les buissons s’il n’y avait pas de créatures magiques comme des nains ou des nymphes mais elle n’en aperçut aucune. Qu’importe, elle continuerait de toute façon ses recherches un autre jour. Tout à coup, elle déboucha sur une petite clairière, un endroit vraiment très bizarre en réalité. C’était un espèce qu’échiquier géant qui ne comprenait pas une seule case noire. Euphrasyne savait très bien jouer aux échecs mais dans des conditions pareilles, il était impossible d’y parvenir. Pour un peu, elle aurait pu croire que le constructeur de ce jeu géant était encore plus fou qu’elle ce qui, venant d’elle, n’était pas vraiment à prendre comme un compliment. Elle s’approcha de cet échiquier et en fit le tour pour voir s’il n’y avait pas une inscription, une formule magique qui aurait pu faire apparaître ces fameuses cases noires. Elle ne vit rien du tout. Euphrasyne commençait légèrement à s’impatienter tant elle voulait percer le mystère de ce jeu. Elle tapa des pieds comme un bébé faisant sa crise songeant pendant quelques secondes à se mettre à pleurer et à se rouler par terre. Pourtant, après s'être calmée et au moment où elle allait sortir sa cithare pour invoquer des formules magiques celtes qu’elle connaissait par cœur, quelque chose apparut.

Euphrasyne regarda la forme humaine qui venait d’apparaître. Au moment où elle voulut la saluer, cette personne parla très rapidement comme si elle ne voulait pas qu’on la reconnaisse. Soit, Euphrasyne tenterait de percer ce mystère plus tard. En attendant, elle écouta avec ravissement et docilité tout ce que cette personne lui dit.

« La moitié des cases sont extrêmement dangereuses : dès qu'on pose ne serait-ce qu'un pied léger d'enfant dessus, on se fait avaler. Extrêmement dangereux. L'autre moitié est bonne. Impossible de savoir quelle case est quoi. Si tu arrives à en repérer une néfaste et à signifier aux futurs passants qu'elle est néfaste, tu auras accompli un bel acte de bravoure. Tiens. »

Euphrasyne regarda ce que cette personne lui tendait. Il y avait des objets vraiment divers telle une boule de bowling, un gros paquet de mouchoirs, une canne à pêche et un pot de peinture jaune avec un pinceau très fin à l’intérieur. Elle se demandait ce qu’elle allait bien pouvoir faire de ça mais elle se rassura bien vite. Son esprit loufoque allait certainement l’aider dans cette aventure. En vérité, tout le monde croyait qu’elle était folle mais nous dirons simplement qu’elle exerce son intelligence d’une autre manière que l’entièreté de la planète. Euphrasyne était loin d’être stupide mais sa désinvolture et sa rêverie la faisaient paraître pour une crétine aux yeux des gens. Etant donné qu’elle était dans son monde de mystères et de « magie », elle comptait bien réussir ce défi avec brio. Après tout, elle avait tellement désiré jouer que, maintenant, elle ne pouvait plus faire marche arrière.

Elle prit quelques minutes de réflexion afin d’éviter de se faire avaler par une de ces maudites cases. Un poids plume suffisait à les révéler c’est bien cela ? Qu’à cela ne tienne. Euphrasyne venait d’avoir une idée assez brillante. Elle s’employa donc à ouvrir le paquet de mouchoirs, en sortit un et le découpa en quatre morceaux ayant plus ou moins la même taille. Elle décida alors de les lancer au hasard sur l’échiquier. Plusieurs morceaux restèrent en place ce qui signifiait donc que c’étaient des bonnes cases. Mais, en revanche, un morceau du mouchoir venait juste de se faire avaler sous ses yeux. Parfait, elle venait d’accomplir la première partie de la mission en trouvant une mauvaise case. Elle aurait même pu pousser le vice jusqu’à toutes les trouver grâce aux nombreux mouchoirs qui lui restait mais elle n’en fit rien, ce n’était pas son genre de se croire supérieure de la sorte. Elle regarda donc avec intérêt les autres objets qui lui restaient. Directement, le pinceau lui fit de l’œil. Il était évident qu’elle pourrait écrire son message avec cet outil mais comment allait-elle faire pour que celui-ci puisse rester en place pour prévenir les futurs passants ? Euphrasyne regarda la boule de bowling avec attention et eut une idée. Elle lança encore quatre bouts de mouchoir sur les cases adjacentes à celle qui était mauvaise. Trois morceaux se firent avaler mais un resta bien en place. Elle s’assit donc dans l’herbe, prit le pinceau et, après avoir fait une énorme tâche sur sa robe, s’employa à écrire son message. Il fallait qu’il soit court et concis afin qu’il donne envie d’être lu. Elle écrivit donc tout simplement Mort avec une flèche qui pointait vers la droite. En vérité, la case qui était mauvaise était située à droite d’une case qui était saine. Cela, elle le savait grâce aux derniers bouts de mouchoir qu'elle venait de lancer. Elle s’employa donc à poser cette boule de bowling assez lourde sur la case saine. Dans une position d’équilibre plus que douteuse, elle parvint à la poser même si elle manqua de tomber. Euphrasyne était persuadée que le vent ne suffirait pas à bouger cette boule et, étant donné que c’était écrit en jaune sur fond noir, il fallait vraiment être stupide pour la rater. Ravie d’elle-même, elle attendit que le gentil petit monsieur vienne lui dire si elle avait réussi sa mission ou non.